18 octobre 2023
La relation au cœur des soins spirituels
L’année 2023 marque les 25 ans de ce qui était au départ, un projet novateur, distinctif et inclusif; celui de regrouper les services de soins spirituels de la grande région de Québec et ainsi créer le Centre Spiritualitésanté de la Capitale-Nationale (CSsanté)
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Ce projet d’envergure répondait à la volonté des établissements de santé (CHU de Québec – Université Laval, CIUSSSCN, IUCPQ) d’assurer le fonctionnement au quotidien des services de soins spirituels, en collaboration interdisciplinaire, afin de répondre aux besoins spirituels et religieux des usagers hospitalisés et hébergés, et ce, dans le respect de leurs croyances et de leur culture.
Une relation qui sort de l’ordinaire
Depuis, le CSsanté, n’a jamais cessé de croire en la relation de soutien et d’accompagnement spirituels apporté aux usagers dans le réseau de la santé. En effet, d’après un court sondage effectué auprès de la trentaine d’intervenant(e)s en soins spirituels (ISS), la relation a été identifiée comme étant ce qui caractérise profondément les soins spirituels. C’est dans la qualité de cette relation qui sort de l’ordinaire avec les usagers et leurs proches que la spiritualité peut se frayer un chemin.
Aller à la rencontre de la personne
En complémentarité avec leurs collègues qui offrent des services sociaux, des soins physiques ou psychologiques, les ISS vont à la rencontre de la personne pour l’écouter et l’accompagner dans son expérience profonde telle que vécue, et ce, afin de l’aider à puiser en elle les ressources qui répondent à son désir de mieux-être. Dans un article du journal
La Presse paru en décembre 2020, Jacques Cherblanc, professeur à l’Université du Québec à Chicoutimi dit :
« Les intervenant(e)s en soins spirituels dans les services de santé disent que la spiritualité est une ressource interne qui permet de donner un sens à sa vie et de faire face aux souffrances ».
Le CSsanté est également fier de contribuer à l’enseignement, à la recherche et au rayonnement de la spiritualité comme ressource interne en santé.
Pour le célébrer ses 25 ans, des actions se dérouleront tout au long de l’année!
Bon 25 ans de soins spirituels!
Quelques témoignages
Témoignages d'intervenant(e)s en soins sprirituels
Mylène Brunet, intervenante en soins spirtuels, Hôpital St-François d’Assise
J'ai un souvenir qui date de mes stages cliniques à l'été 2018. C'était ma première expérience de garde de fin de semaine; mon superviseur et moi avions été appelés pour une dame en fin de vie à Saint-Sacrement. Il s'agissait d'une sœur Augustine qui désirait communier avant d'être mise en sédation palliative continue. Sa respiration était difficile et elle s'exprimait faiblement. Je devais me faire très proche pour l'entendre. Elle a nommé être en paix. Je lui ai offert la communion, et nous avons porté ensemble son intention. Au moment de quitter, elle m'a remercié et m'a dit ''Bon ministère, ma fille''. Ce fut un court moment, intense et riche, où je me suis sentie reliée comme jamais aux sœurs hospitalières. J'ai compris alors que je m'inscrivais en continuité avec une longue tradition du soin spirituel aux personnes vulnérables. Même si la façon de penser et vivre le la vie spirituelle se transforme au gré des générations, nous poursuivons une mission amorcée il y a bien longtemps. Notre pratique demeure d'actualité et en mouvement
Daniel Nteka, intervenant en soins spirtuels, Hôpital St-François d’Assise
Je me rappellerai toujours d’une rencontre avec un médecin, âgé de 68 ans, spécialiste de la douleur, et hospitalisé avec tumeurs cancéreuses de l’intestin grêle. Lors de la réunion multi, dirigée par un interniste qui n’a pas souhaité que le service de soins spirituels le visite, en disant qu’il était cartésien et agnostique.
Peu importe, j’approche monsieur avec une certaine appréhension : comment vais-je bien pouvoir établir le contact et le rejoindre dans l’ici et maintenant? À ma grande surprise, je salue le monsieur, accompagné de sa conjointe et après ma brève présentation, il m’invite à prendre place et demande à sa conjointe de sortir et de le laisser seul avec moi. Il dira : « c’est un beau jour ». Son sourire qui semblait lumineux rejoint le mien. « C’est la Providence qui t’a envoyé vers moi ». Il élabore sur ses préoccupations et ses peines! Il ajoute qu’il est en attente d’un examen très délicat. Il dit : « si, le résultat est négatif, je reste à l’hôpital pour les soins appropriés et dans le cas, je rentrerai chez moi attendre ma mort ». Il poursuit : « je mène avec ma conjointe une belle vie, une belle carrière ». Je l’écoutais attentivement avec des reformulations.
Après cet échange, le malade manifeste son désir de recevoir l’onction des malades. Il se décrit comme catholique moins pratiquant qu’autrefois. J’en ai profité pour expliquer le déroulement et le sens de la célébration de l’onction des malades et je lui ai proposé que sa conjointe aussi y participer. Il n’a trouvé aucune objection. J’explique à la conjointe le déroulement et la suggérant après mon imposition des mains, d’exprimer à son conjoint une parole de reconnaissance et de gratitude.
Au terme de cette célébration, le couple m’a manifesté leur remerciement. En sortant de la chambre, je me demandais qui de nous deux devait être reconnaissant de l’autre.
Je reconnais que parfois, nous laissons passer des occasions en or de rencontre avec les personnes qui ont besoin de rencontrer les ISS.
Christine Cloutier,intervenante en soins spirtuels, Centre d’hébergement St-Augustin
Je me souviendrai toujours de cette résidente, plus jeune que les autres, qui était dans mon centre parce qu'elle avait eu un très gros AVC. Elle n'était plus en mesure de communiquer correctement et elle criait très souvent pour se faire entendre. Elle venait beaucoup pleurer à tue-tête à la chapelle, tout près de mon bureau. Moi j'ai pris le temps de l'apprivoiser (malgré ce que ses cris dérangeaient en moi), d'apprendre à la connaître, saisir ce qu'elle voulait, ce qu’elle désirait vraiment (parfois c'était juste un service comme placer sa boucle de cheveux, d'autres fois c'était d'être entendu dans ce mal qui était dans son corps, dans son cœur, son désir de redevenir la femme d'avant, etc.).
Je l'ai accompagné sur un longue période (9 ans) jusqu'à son décès. L'expérience d'accompagnement avec elle m'a appris la persévérance, la patience d'accompagner lentement, d'écouter le silence, les cris, les vides, les paroles difficiles à comprendre, m'a également permis de goûter avec elle tous les moments de victoire, de bonheur qu'elle vivait dans sa maladie, aussi petits soient-ils.
Cet accompagnement m'a aussi permis de me faire connaître comme ISS et de faire connaître surtout le rôle que je pouvais exercer au sein d'une équipe. Le courage de cette résidente, les souffrances qu'elle a vécues, mais surtout l'espoir qu'elle était de plus en plus en mesure de nommer et de goûter au fil de nos rencontres, tout cela a fait de moi une ISS plus attentive aux autres résidents qui se faisaient plus discrets ou qui dérangeaient. Cette résidente m'a fait aimer le travail en soins spirituels en hébergement, travail qui est souvent entouré de préjugés par la méconnaissance des milieux.