Modèles d’alimentation à la mode en 2020






Par Didier Brassard - 1er avril 2020

L’auteur présente dans son texte quelques nouvelles tendances alimentaires. Le lecteur intéressé par le choix et le changement alimentaires trouvera des données scientifiques sur l’alimentation à base de plantes, l’alimentation cétogène et sur le jeûne intermittent.


Le Nouvel An est traditionnellement synonyme de résolutions. La nouvelle année stimule aussi une certaine introspection où l’on cherche à prendre en main sa santé, une bonne fois pour toutes! Cette motivation accrue et le désir de changement vont fréquemment agir de pair et donner envie d’essayer de nouveaux modèles d’alimentation, c’est-à-dire une nouvelle manière de choisir, préparer et consommer ses aliments. Parmi ces modèles alimentaires à la mode, on retrouve l’alimentation à base de plantes (plant-based), l’alimentation cétogène et le jeûne intermittent.
 

L’alimentation à base de plantes

L’alimentation à base de plantes est, comme son nom l’indique, une alimentation favorisant les plantes – ou végétaux – au détriment des aliments issus de la production animale. Une alimentation à base de plantes peut avoir différents niveaux « d’intensité » qui sont détaillés dans le tableau 1. En bref, une alimentation à base de plantes n’est pas forcément végétarienne, car des aliments issus de la production animale peuvent être inclus. D’un autre côté, une alimentation végétarienne est forcément à base de plantes, car la majorité des aliments issus de la production animale sont exclus.
 

Tableau 1. Différents degrés d’une alimentation à base de plantes




Une alimentation à base de plantes est cohérente avec le Guide alimentaire canadien 2019, récemment révisé selon les meilleures données scientifiques disponibles. De nombreuses études démontrent qu’augmenter sa consommation de légumes, fruits, grains entiers, noix et grains ainsi que de légumineuses est cohérent avec une amélioration de la santé (Estruch et al., 2018) et une diminution de l’impact environnemental lié à l’alimentation (Springmann et al., 2018).
 

L’alimentation cétogène

L’alimentation cétogène est une alimentation très riche en gras, modérée en protéines et très faible en glucides (en anglais, low-carb high-fat ou LCHF). La répartition typique est la suivante : 80 % des calories totales sous forme de gras, 5 à 10 % des calories sous forme de glucides et 10 à 20 % sous forme de protéines. En général, on vise un maximum absolu de glucides de 25 à 50 g par jour. Vingt-cinq grammes de glucides correspondent à une banane ou 1 ½. rôtie. Ce changement dans l’alimentation force l’organisme à utiliser une autre source d’énergie que le glucose pour alimenter le cerveau et l’organisme : les corps cétoniques ou cétones. Notez également que chacun des grammes de glucides contenus dans les aliments doit être comptabilisé afin de maintenir l’état de cétose. Ainsi, même les portions d’autres aliments « faibles en glucides » tels que les légumes verts, les produits laitiers non sucrés et les noix doivent être contrôlées.
 

L’hypothèse insuline-obésité

Les tenants de l’alimentation cétogène affirment que les élévations d’insuline, une hormone particulièrement stimulée lors de la consommation de glucides, sont la cause des maladies chroniques comme le diabète de type 2 ou l’obésité. Ainsi, la majorité des bienfaits liés à l’alimentation cétogène s’explique, selon les tenants de celle-ci, par le contrôle de l’insuline en réduisant sa consommation de glucides.

Bien que séduisante, l’hypothèse insuline-obésité n’est pas soutenue par plusieurs études rigoureuses. Une méta-analyse (combinaison d’études) récente a montré que la teneur en glucides ou en lipides n’influence pas le changement de poids corporel. Cette analyse combine 32 études contrôlées, c’est-à-dire des études où tous les aliments étaient fournis aux participants! Peu importe la teneur en glucides ou en gras, l’analyse montre que les participants perdent du poids de façon similaire. Cette preuve scientifique est de haute qualité (Hall et Guo, 2017).

Dans une autre étude, deux diètes, une riche en glucides, puis une faible en glucides (cétogène) furent testées pendant quatre semaines chacune (Hall et al., 2016). Encore une fois, les participants ont reçu tous les aliments dans chacune des phases. Au terme de chaque diète, les participants ont passé deux jours en « captivité » dans une chambre métabolique qui analyse précisément les échanges gazeux et la dépense énergétique. Résultat? Pas d’effet de la diète sur la dépense énergétique ou la capacité à « brûler du gras ». Cette étude apporte aussi des preuves solides qui n’appuient pas du tout l’hypothèse de l’insuline.

Les résultats de la méta-analyse (Hall et Guo, 2017) et de l’étude en chambre métabolique (Hall et al., 2016) sont aussi cohérents avec deux grandes études d’intervention récente. La première étude, d’une durée de trois mois chez 46 hommes, a évalué les effets d’une diète très faible en glucides (very low-carb) et faible en gras (low-fat) (Veum et al., 2017). Les auteurs se sont ensuite intéressés au gras abdominal, à l’insuline, à la glycémie et à un indice de résistance à l’insuline. Ils n’ont cependant détecté aucune différence entre les diètes.

Dans la deuxième étude (Gardner et al., 2018), les auteurs ont évalué si la sécrétion d’insuline ou la présence de gènes particuliers influençaient la perte de poids après 6 et 12 mois d’intervention. Au terme des 12 mois, alors que 609 participants ont été affectés aléatoirement à une diète faible en glucides ou faible en gras, on n’a observé aucune différence entre les diètes et aucun effet lié à la sécrétion d’insuline ou de gènes particuliers. En somme, ces études de haute qualité sont cohérentes et unanimes : la théorie glucide-insuline-obésité n’est pas appuyée par des données rigoureuses (Gardner et al., 2018; Hall et al., 2016; Hall & Guo, 2017; Veum et al., 2017).

En somme, contrôler l’insuline n’est pas une technique magique pour prendre en main sa santé. Il ne suffit pas de cesser de consommer des glucides pour avoir une bonne qualité alimentaire. D’un autre côté, cette observation est positive en soi, puisque cela veut dire que nous avons une plus grande variété de stratégie nutritionnelle potentielle pour améliorer sa santé. Néanmoins, la science est en évolution. Une stratégie nutritionnelle n’est peut-être pas validée scientifiquement aujourd’hui, mais pourrait l’être demain. Une citation éloquente est celle du Dr David S. Ludwig, un défenseur de l’alimentation cétogène. Il dit lui-même que :

« Les données scientifiques en faveur d’une alimentation très faible en glucides pour la perte de poids et la gestion du diabète sont encore préliminaires, mais le financement de recherches de haute qualité pourrait changer cela » (traduction libre) (Abbasi, 2018).

Je suis totalement en accord avec ce point et j’aimerais voir des études publiées sur les thèmes suivants :

  • Diabète de type 2 : les effets positifs observés dans certaines études sont-ils indépendants de la perte de poids? Est-ce que la vitesse de perte de poids influence les effets?

  • Corps cétoniques : est-ce que les corps cétoniques permettent de couper la faim? Y a-t-il d’autres mécanismes impliqués (p. ex. : les apports en protéines)?


Bref, la science indique qu’une alimentation faible en glucides est une approche valable pour améliorer ou maintenir sa santé. Il n’est cependant pas démontré si les bénéfices de l’alimentation faible en glucides ou cétogène vont au-delà de la perte de poids (qui peut être obtenu avec d’autres modèles alimentaires) ni si les corps cétoniques produits lors d’une restriction quasi complète en glucides apportent des bénéfices additionnels.
 

Le jeûne intermittent

Le jeûne intermittent est une approche de plus en plus populaire qui consiste à ne pas consommer de nourriture – jeûner – durant des périodes plus ou moins longues. Par exemple, un jeûne intermittent de type 16/8 consiste à jeûner durant 16 heures, puis à consommer ses aliments et repas durant une fenêtre de 8 heures. Plus concrètement, quelqu’un pratiquant le jeûne intermittent 16/8 pourrait jeûner de 16 h le soir à 8 h le matin, puis consommer son déjeuner, dîner et souper entre 8 h et 16 h. L’intérêt pour cette alimentation se développe dans le contexte où notre alimentation actuelle est caractérisée par une abondance et une omniprésence d’aliments, particulièrement ceux de moins bonne valeur nutritive (aliments riches en sucres, sel et en énergie; souvent ultratransformés). Néanmoins, les données scientifiques actuelles sont préliminaires et nous ne savons pas si certains bénéfices associés au jeûne intermittent sont simplement dus à la perte de poids. En effet, le jeûne peut être une façon simple de manger moins et donc, de perdre du poids à moyen terme. Cependant, on ne voit pas clairement si les bénéfices proposés vont au-delà de cette simple restriction énergétique ou si le jeûne en soi déclenche des processus bénéfiques.

Entretenir une nouvelle habitude peut être très exigeant au quotidien. En ce qui concerne l’alimentation, je suis d’avis qu’il y a une difficulté supplémentaire : il faut être constamment alerte. C’est-à-dire que l’on doit prendre des décisions liées à l’alimentation plusieurs fois par jour. Par exemple, on mange généralement trois fois par jour, plus les collations, plus des repas additionnels. Comme si ce n’était pas assez, nous sommes continuellement exposés à des aliments peu nutritifs. Dans ce contexte, la résolution d’améliorer ses habitudes alimentaires est encore plus difficile à appliquer que les autres résolutions. Mes deux meilleurs conseils sont : 1) consulter dès maintenant une personne spécialisée en nutrition, soit un nutritionniste-diététiste pour vous guider dans ces changements; 2) adopter l’alimentation la plus nutritive possible, mais aussi la plus cohérente possible avec vos valeurs et votre mode de vie.
 

Références

Abbasi, J. (2018). Interest in the Ketogenic Diet Grows for Weight Loss and Type 2 Diabetes. JAMA, 319(3), 215-217. doi:10.1001/jama.2017.20639

Estruch, R., Ros, E., Salas-Salvado, J., Covas, M. I., Corella, D., Aros, F. . . ., Investigators, P. S. (2018). “Primary Prevention of Cardiovascular Disease with a Mediterranean Diet Supplemented with Extra-Virgin Olive Oil or Nuts”. N Engl J Med, 378(25), e34. doi :10.1056/NEJMoa1800389

Gardner, C. D., Trepanowski, J. F., Del Gobbo, L. C., Hauser, M. E., Rigdon, J., Ioannidis, J. P. A., . . . King, A. C. (2018). “Effect of Low-Fat vs Low-Carbohydrate Diet on 12-Month Weight Loss in Overweight Adults and the Association With Genotype Pattern or Insulin Secretion: The DIETFITS Randomized Clinical Trial”. JAMA, 319(7), 667-679. doi:10.1001/jama.2018.0245

Hall, K. D., Chen, K. Y., Guo, J., Lam, Y. Y., Leibel, R. L., Mayer, L. E., . . . Ravussin, E. (2016). “Energy expenditure and body composition changes after an isocaloric ketogenic diet in overweight and obese men”. Am J Clin Nutr, 104(2), 324-333. doi:10.3945/ajcn.116.133561

Hall, K. D., & Guo, J. (2017). “Obesity Energetics: Body Weight Regulation and the Effects of Diet Composition”. Gastroenterology, 152(7), 1718-1727.e1713. doi:10.1053/j.gastro.2017.01.052

Springmann, M., Wiebe, K., Mason-D’Croz, D., Sulser, T. B., Rayner, M., & Scarborough, P. (2018). “Health and nutritional aspects of sustainable diet strategies and their association with environmental impacts: a global modelling analysis with country-level detail”. Lancet Planet Health, 2(10), e451-e461. doi:10.1016/S2542-5196(18)30206-7

Veum, V. L., Laupsa-Borge, J., Eng, Ø., Rostrup, E., Larsen, T. H., Nordrehaug, J. E., . . . Mellgren, G. (2017). “Visceral adiposity and metabolic syndrome after very high-fat and low-fat isocaloric diets: a randomized controlled trial”. Am J Clin Nutr, 105(1), 85-99. doi:10.3945/ajcn.115.123463
 



Didier Brassard, Dt.P. M.Sc. est nutritionniste-diététiste. En 2014, il a complété son baccalauréat en nutrition à l'Université Laval et est devenu membre de l'Ordre professionnel des diététistes du Québec. Il est actuellement étudiant au doctorat en nutrition et ses recherches portent sur l’alimentation des Québécois et des Canadiens, l'évaluation alimentaire avec des outils basés sur le Web et les nouveaux biomarqueurs des apports alimentaires.
 

Déclaration

Je n’ai aucun livre, plan ou technique de perte de poids à vendre. Je n’ai aucun intérêt personnel ou monétaire à ce que quelqu’un adopte ou non une alimentation plus qu’une autre. Je ne défends aucune idéologie. 




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