Accompagner dans une société laïcisée






Par Daniel Nteka, intervenant en soins spirituels 1er avril 2019
Centre Spiritualitésanté de la Capitale-nationale
 
C’est avec un cœur plein de joie et de reconnaissance que je vous partage une de mes rencontres stimulantes avec un usager. Un jour, lors de ma visite dans une unité de soins palliatifs, je rencontre un homme de plus de 80 ans, souffrant d’une métastase pulmonaire, en phase terminale de sa maladie. Je frappe à sa porte, je salue et me présente : « Je me nomme Daniel, intervenant en soins spirituels. » Monsieur, poliment me dit « ne rien savoir » et il ajoute : « Ici, au Québec, une société laïque et sécularisée, nous avons confiné le religieux dans le domaine privé. » Je lui réponds : « Oui, monsieur, moi, je suis intervenant en soins spirituels. Je viens auprès de vous, non pas pour vous convertir à ma religion, mais pour vous apporter, si possible, un soutien et un accompagnement spirituel en collaboration avec les autres professionnels de la santé. Je suis seulement attentif au vécu des personnes, à leurs attentes et à leur besoin de trouver du réconfort et un sens à ce qui leur arrive. » Monsieur hésite et me pose la question : « Où as-tu étudié? » Je lui réponds que j’ai fait une bonne partie de mes études dans mon pays et que je les ai poursuivies ici au Québec. Alors, il me dit : « Ah bon, si c’est ça, viens me voir et nous parlerons de tout, sauf de Dieu. » OK! Marché conclu! Pour moi, c’était une porte ouverte pour entrer dans l’intimité de ce monsieur qui me semblait très cultivé et dont le sens de la vie était bâti autour de sa carrière, de ses enfants et de la jouissance de sa retraite. Au fil des jours et des semaines, le lien d’amitié, de confiance et de respect était établi. Monsieur échangeait sur son traitement, ses petits soucis quotidiens, la peur de mourir, etc. Il était aux prises avec des tensions et des conflits intérieurs difficiles à vivre ou à assumer. Bref, nos conversations tournaient autour de ses valeurs, de ses engagements, de son environnement familial et professionnel. Nous abordions les différents thèmes de la vie. Ces rencontres nous faisaient du bien, à lui d’abord et à moi également! Chaque fois que j’allais au CHSLD, Monsieur s’attendait à ma visite. Un beau matin, il me dira : « Tu sais Daniel, j’ai un problème avec mon frère qui date de longtemps et je sens que mes jours sont vraiment comptés. Je tiens à prendre contact avec lui pour, si possible, pardonner et recevoir aussi son pardon. » Après avoir écouté calmement, je lui ai reflété son propos en utilisant le terme « réconciliation ». De là, il précise sa pensée : « Oui, effectivement, je tiens à me réconcilier avec lui. » J’ai laissé à monsieur le temps d’exprimer ses sentiments, ses émotions. Il enchaîne : « Après vous avoir parlé, j’ai senti un soulagement d’être accueilli, soutenu et compris. Ah! Que je suis content, apaisé! » Quelques jours après, monsieur a pris contact avec ses proches, surtout avec son frère avec qui il ne s’entendait pas; il a pu faire ses adieux à ses proches avant sa mort. Il m’avait semblé qu’il avait besoin de faire la paix dans ses diverses relations. Par conséquent, je m’étais fixé comme objectif, après l’avoir écouté, de l’aider à cheminer en ce sens, c’est-à-dire à vivre le pardon. Pour ma part, cette rencontre a été bénéfique, car elle m’a permis d’être là afin d’accompagner et de soutenir une personne malade dont l’expérience spirituelle n’était pas explicitement en lien avec Dieu. Une personne comme beaucoup d’autres, qu’on rencontre régulièrement dans notre société laïcisée.




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