Un secret bien gardé : transformer l’adversité en force

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Un établissement hospitalier comme le CHU de Québec-Université Laval (CHU), c’est l’équivalent d’une ville où s’activent des femmes et des hommes dont le travail est essentiel, mais parfois méconnu. La chronique Un secret bien gardé vous invite à découvrir leur histoire et leurs talents.1

Dans cette édition : Sabrina Tran-Jolicoeur, externe en médecine. 

Sabrina terminera bientôt sa première année en tant qu’externe en médecine. Bien qu’elle vive avec des problèmes de santé depuis 10 ans, elle a non seulement décidé de persévérer dans le parcours exigeant de la médecine, mais elle a aussi choisi de s’impliquer dans l’Association canadienne des médecins handicapés depuis 2021.

« Au secondaire, j’avais de l’intérêt pour les sciences, en particulier pour le domaine de la santé. C’est lors de ma première hospitalisation en 2015, alors que j’étais en secondaire 5, que j’ai eu un penchant pour la médecine. J’ai aimé la relation d’aide et le lien de confiance qui s’est créé avec l’équipe médicale, en particulier avec les externes et les résidents. Je tentais de suivre leur raisonnement clinique à travers les questions qu’ils me posaient. J’étais impressionnée par le travail d’équipe. Je me suis dit : "c’est ça que je veux faire plus tard!" »

Deux ans plus tard, Sabrina, commence ses études en médecine à l’Université Laval. En raison de ses problèmes de santé et des hospitalisations qui y sont liées, elle doit annuler des cours et des sessions. Par conséquent, elle ne suit pas toujours la même cohorte d’étudiants et noue peu de relations avec ses confrères et consœurs d’université.

Pour ajouter à son isolement, elle constate que certains sujets ne sont jamais abordés ouvertement : « J’ai trouvé mon préclinique vraiment difficile, je me sentais très seule. Les gens pensent que ça n’existe pas des médecins qui ont des problèmes de santé, mais je n’arrivais pas à croire que j’étais un cas unique, et j’ai finalement trouvé l’Association canadienne des médecins handicapés. Être membre me donne un sentiment d’appartenance. C’est aussi une source d’inspiration de voir mes collègues de l’Association, résidents et externes qui achèvent le doctorat en médecine, qui sont capables de bien gérer leur santé et leurs études en médecine. Je me dis que s’ils ont réussi, moi aussi je devrais être capable. »

Après avoir assisté à quelques rencontres de l’Association, qui fonctionne principalement en anglais, Sabrina offre ses services pour traduire des documents en français. Question de donner plus de visibilité à l’Association et de la rendre plus accessible, Sabrina propose également de créer les comptes de réseaux sociaux et d’y partager des publications. Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, elle décide aussi de mettre sur pied des groupes de soutien pour les membres en 2024.

« J’avais vu que le Programme d’aide aux médecins du Québec avait créé une trousse d’outils pour animer des groupes de soutien. J’en ai pris connaissance, puis j’ai rencontré une médecin conseil du Programme d’aide qui m’a outillée et a répondu à mes questions. L’été dernier, j’ai organisé et animé trois rencontres de soutien pour les étudiants du préclinique. Cet hiver et ce printemps, j’ai animé des groupes pour les étudiants du préclinique et les externes. »

Son implication auprès de l’Association canadienne des médecins handicapés n’est pas passée inaperçue, puisque Sabrina a reçu en février dernier la Médaille du couronnement du roi Charles III, une distinction commémorative décernée par le gouvernement du Canada pour honorer les Canadien(ne)s ayant contribué de manière exceptionnelle à leur communauté ou à l’étranger.

Sabrina lors de la remise de la Médaille du couronnement  du roi Charles III au Morrin Center, en février 2025. De gauche à droite : Manon Jeannotte, lieutenante-gouverneure du Québec, Joël Lightbound, député de Louis-Hébert, Sabrina Tran-Jolicoeur et Jean-Yves Duclos, député de Québec-Centre.


Après avoir effectué deux stages en région, à Blanc-Sablon (stage préclinique SARROS (Soutien aux régions pour le recrutement d’omnipraticiens et de spécialistes) et à La Malbaie (stage d’externat), Sabrina effectue maintenant ses stages d’externe dans les hôpitaux du CHU de Québec-Université Laval.

Pour Sabrina, l’expérience de la maladie n’est pas un obstacle, mais une source de compréhension du vécu des patients, comme elle le souligne : « J’aime appliquer mes connaissances et créer un lien avec le patient. Ça me valorise, parce que l’expérience que j’ai comme patiente m’aide dans ma communication, dans les questions que je pose et dans ma compréhension du vécu du patient. Ça me permet de transformer une expérience d’adversité en quelque chose de positif. » 

Sabrina à La Malbaie.

Ayant touché à diverses spécialités depuis le début de ses stages, elle admet avoir un coup de cœur pour la psychiatrie. « C’est un stage dans lequel je me sentais confiante et à l’aise de questionner les patients. Les entrevues sont plus longues dans cette spécialité, et j’ai aimé passer plus de temps avec les patients; ils peuvent se confier plus et on a l’impression de pouvoir mieux les comprendre. C’est aussi une discipline dans laquelle il y a beaucoup de travail d’équipe. Sinon, j’ai aussi beaucoup aimé le suivi des patients qui ont un trouble de santé mentale en médecine familiale et les stages où on fait le suivi des patients hospitalisés tous les jours, puisqu’il y a un lien de confiance qui se crée. »

Plusieurs patients lui ont d’ailleurs dit qu’ils appréciaient son approche et le fait de se sentir écoutés. Quant à ses patrons, ils trouvent effectivement qu’elle réussit à établir une bonne relation avec les patients.

« C’est un peu la même chose avec mon implication dans l’Association : mon expérience d’isolement peut devenir une force. Avec la création des réseaux sociaux et des groupes de soutien, je brise mon isolement et j’aide les autres à le faire aussi. Ça permet à d’autres étudiants de se sentir accompagnés. »

C’est d’ailleurs ce qui rend Sabrina la plus fière : avoir réussi à surmonter les défis et à en faire quelque chose de plus grand qu’elle, d’avoir réussi à transformer une expérience plus difficile – sa maladie – en quelque chose de valorisant – aider les autres. 

« Je suis aussi contente de ne pas avoir lâché, même s’il y a eu des périodes plus difficiles où je me disais que ça n’avait pas de sens de continuer en médecine avec mes défis de santé. Je pense que j’ai aussi bien fait de demander de l’aide et de ne pas prendre de décision précipitée quand ça allait mal. J’aimerais dire aux étudiants qui pensent aller en médecine et qui ont des problèmes de santé : il faut oser, si c’est ce qui vous allume! Oui, il y aura des moments plus difficiles, mais n’oubliez pas le fait d’être des patients fait de nous des candidats pouvant avoir une approche plus centrée sur le patient. »


Note
1.    Près de 95 % des villes du Québec comptent moins d’habitants que le nombre d’intervenants (18 000) du CHU de Québec-Université Laval. Source : https://www.mamh.gouv.qc.ca/organisation-municipale/decret-de-population/.

 


Photo principale : Sabrina Tran-Jolicoeur à Red Bay, au Labrador, qu'elle a visité pendant son stage à Blanc-Sablon.

 


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Dernière révision du contenu : le 20 août 2025

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