Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez les femmes et représente un enjeu majeur de santé publique2. Bien que les traitements aient amélioré les taux de survie, ils provoquent de nombreux effets secondaires, à la fois physiologiques et psychologiques, notamment une perte de condition physique, une fatigue persistante et un bien-être altéré. Ces effets limitent la capacité des patientes à maintenir une activité physique, créant un cercle vicieux qui aggrave la fatigue et la perte d’autonomie. La pratique de l’activité physique est désormais reconnue comme un traitement adjuvant efficace, capable de réduire ces symptômes et d’améliorer la récupération.
Par Anne-Charlotte Top, kinésiologue
Des études1 ont démontré que l’entraînement bien encadré est généralement sécuritaire et bénéfique, même pendant les traitements. Toutefois, l’intégration de l’activité physique dans le parcours de soins reste insuffisante, faute d’informations et de ressources pour les patientes et les professionnels.
C’est ici que l’expertise du kinésiologue prend toute son importance. Selon une étude de Johnsson et collaborateurs3, les femmes qui avaient été actives avant leur diagnostic de cancer et les femmes qui avaient reçu des informations sur l’activité physique en contexte de traitement étaient plus actives pendant la chimiothérapie que les femmes plus sédentaires.
L’accompagnement d’un kinésiologue, spécialisé dans la prescription d’exercices adaptés, apparaît essentiel pour maximiser les bénéfices de l’activité physique tout au long du traitement et en phase de réadaptation pour la santé globale des patientes atteintes du cancer du sein.
Cet article met en lumière la nécessité d’intégrer la kinésiologie dans la prise en charge des femmes atteintes d’un cancer du sein, en démontrant comment l’exercice devient un levier incontournable pour améliorer leur rétablissement et leur qualité de vie.
Les effets du cancer du sein et de ses traitements sur la condition physique
Les traitements contre le cancer du sein, bien que nécessaires, induisent des altérations physiologiques importantes. Parmi les effets secondaires les plus courants, la fatigue persistante touche plus de 80 % des patientes en cours de traitement4. Multifactorielle, elle peut durer des mois, voire des années après la fin des traitements. Les effets secondaires apparaissent généralement après quelques cycles de chimiothérapie en raison d’un phénomène d’accumulation.
Contrairement à la fatigue ressentie par une personne en bonne santé, qui est soulagée par le repos, la fatigue liée au cancer est classée comme chronique. Présente sur une longue période, elle interfère avec le fonctionnement quotidien et n’est pas complètement atténuée par le sommeil.
En plus de cette fatigue, les patientes subissent une diminution de la masse musculaire et de la force, due à la diminution de l’activité physique et aux effets cataboliques de certains traitements, ce qui peut compromettre leur autonomie. Les douleurs articulaires et musculaires, particulièrement sous hormonothérapie, limitent également la mobilité et rendent l’exercice plus difficile.
Ces effets secondaires altèrent la qualité de vie en réduisant la tolérance à l’effort et en entravant les activités quotidiennes, avec un impact potentiel sur la santé mentale. Dans ce contexte, intégrer l’activité physique dans le suivi oncologique constitue une solution efficace pour prévenir et atténuer ces effets négatifs.
L’activité physique comme approche thérapeutique : quels bénéfices?
Loin d’être contre-indiquée, l’activité physique est aujourd’hui considérée comme un traitement complémentaire essentiel en oncologie. Ses bienfaits sont largement documentés dans la littérature scientifique et concernent plusieurs aspects de la santé physique et mentale.
L’un des bénéfices majeurs de l’exercice est sa capacité à réduire la fatigue liée aux traitements et au cancer. Contrairement aux idées reçues, une pratique régulière d’activité physique diminue la sensation d’épuisement. Selon l’étude de Medeiros et collaborateurs5, l’activité physique serait même plus efficace que certaines interventions pharmaceutiques et psychologiques pour lutter contre la fatigue associée au cancer.
En effet, l’activité physique favorise la diminution des cytokines pro-inflammatoires (IL-1β, IL-6 et TNF-alpha), une meilleure oxygénation des tissus, réduit le stress psychologique et améliore la qualité du sommeil. Ces adaptations physiologiques entraînent une amélioration globale de la fonction physique et de la capacité aérobie (VO2max), facilitant ainsi la réalisation des activités quotidiennes5.
L’exercice joue également un rôle clé dans la préservation de la masse musculaire, de la force et de la mobilité, essentielles au maintien de l’autonomie. Des études1 suggèrent que l’activité physique module les niveaux d’inflammation et les hormones impliquées dans la croissance tumorale, jouant ainsi un rôle préventif essentiel.
Sur le plan psychologique, l’exercice aide à réduire le stress, l’anxiété et les symptômes dépressifs. Son impact ne se limite pas au bien-être mental : un mode de vie actif pourrait aussi contribuer à réduire le risque de récidive du cancer du sein.
Comment intégrer l’activité physique au parcours de soins?
Si les bienfaits de l’activité physique en oncologie sont largement prouvés, encore faut-il l’intégrer de manière adaptée et sécuritaire au parcours de soins des patientes. Une prescription standardisée ne convient pas à toutes : un accompagnement individualisé, tenant compte des capacités et des limites de chacune, est essentiel.
Les kinésiologues sont alors équipés pour aider la clientèle et mettre l’accent sur l’importance d’adapter les exercices selon les cycles de traitements en cours.
Pendant le traitement actif, la capacité d’un individu à tolérer l’exercice peut fluctuer d’un jour à l’autre ou d’une semaine à l’autre. Les cycles sont agencés pour permettre au corps de récupérer entre les doses, il est donc important de bien comprendre ces fluctuations pour optimiser les effets positifs de l’entrainement.

L’intensité et le type d’exercice doivent être adaptés aux différentes phases du traitement6. Pendant la chimiothérapie et la radiothérapie, l’objectif est de maintenir une activité physique afin de préserver les capacités fonctionnelles et limiter la fatigue. Des exercices de faible à moyenne intensité, comme la marche, le yoga ou un renforcement musculaire, sont souvent recommandés.
Après les traitements, la priorité est de récupérer la masse musculaire et l’endurance en intégrant progressivement des exercices de renforcement et d’aérobie. Elle permettra alors au corps de récupérer et à prévenir les rechutes7. À long terme, maintenir une activité physique régulière est crucial pour prévenir les récidives et conserver les bienfaits acquis. Les traitements hormonaux post-cancer augmentant le risque de perte osseuse et de prise de poids, la poursuite de l’exercice physique devient d’autant plus importante pour la santé globale.
Le programme d’exercices doit être conçu en fonction des capacités et des symptômes des patientes. Un programme d’exercices structuré inclut généralement8 des activités aérobies (150 minutes d’intensité modérée par semaine), du renforcement musculaire (2 à 3 séances hebdomadaires)9 et des exercices de mobilité pour préserver l’amplitude articulaire, notamment après une chirurgie.
Des études récentes10 soulignent également les bienfaits du HIIT (entraînement par intervalles à haute intensité) combiné au renforcement musculaire : ce type d’entraînement permettrait une diminution significative de la fatigue et une amélioration durable de la force et de la capacité cardiorespiratoire. Il permet d’effectuer des séances plus courtes, bien que plus intenses, avec les mêmes bénéfices durables même après l’arrêt du programme. D’ailleurs, l’effet de l’exercice semble plus marqué avec une intensité modérée à vigoureuse, tandis que l’entraînement de faible intensité a un impact moindre et ne permettrait pas de réduire significativement la fatigue.
Toutefois, une supervision professionnelle est recommandée pour assurer la sécurité et l’efficacité des séances. À cet égard, le kinésiologue est le professionnel qui possède l’expertise pour adapter l’intensité et le type d’exercices aux capacités et aux besoins spécifiques des patientes, tout en assurant une progression sécuritaire.
L’accompagnement par un kinésiologue permet d’optimiser ces interventions en assurant une évaluation précise de la condition physique, une prescription d’exercices adaptée aux besoins spécifiques des patientes et un suivi régulier pour ajuster le programme au fil du traitement.
Au-delà de l’encadrement technique, le kinésiologue joue également un rôle essentiel dans la motivation et l’adhésion à long terme, en aidant les patientes à surmonter leurs craintes et à intégrer l’activité physique comme un véritable allié dans leur parcours de rétablissement.
Les enjeux d’implantation et l’importance d’une approche interdisciplinaire
Bien que l’intégration de l’activité physique en oncologie offre des bénéfices considérables, elle pose également des défis, notamment en termes de financement et de coordination des soins. La prise en charge optimale repose sur une approche interdisciplinaire où kinésiologues, infirmières, physiothérapeutes et ergothérapeutes travaillent de concert pour adapter les interventions aux besoins des patientes.
Chaque professionnel apporte une expertise complémentaire ; une meilleure collaboration entre ces disciplines permettrait d’intégrer efficacement l’exercice dans le parcours de soins, tout en tenant compte des réalités économiques des établissements de santé.
Conclusion
L’activité physique constitue un outil thérapeutique puissant dans la prise en charge du cancer du sein. Au-delà de son rôle préventif, elle agit comme un véritable adjuvant aux traitements anticancéreux, en atténuant les effets secondaires, en améliorant la condition physique et en favorisant le bien-être global des patientes.
Les études11 montrent que les patientes respectant les recommandations en matière d’activité physique, avant et un an après le diagnostic, bénéficient d’une réduction de 50 % du risque de récidive et de mortalité. Pourtant, malgré son efficacité largement démontrée, elle demeure encore sous-utilisée dans les parcours de soins en oncologie dans les établissements de santé.
Dans cette perspective, intégrer systématiquement la kinésiologie à la prise en charge des femmes atteintes d’un cancer du sein permettrait de maximiser ces bienfaits en assurant un encadrement sécuritaire et personnalisé. Il est donc essentiel que les professionnels de la santé reconnaissent l’importance de l’activité physique et collaborent davantage avec les kinésiologues pour optimiser la réadaptation et la qualité de vie des patientes.

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