Par Ann Montreuil et Diane Poulin – 1er avril 2022
Depuis quelques années déjà nous portons un rêve : faire Compostelle. Puisque le temps nous semblait venu, pandémie oblige, nous nous tournons vers le sentier Notre-Dame-de Kapatakan surnommé le petit Compostelle au Saguenay-Lac-St-Jean. Ce désir de marche de longue distance étant pour nous essentiellement une démarche intérieure, le lieu devient relatif. Nous entreprenons donc la préparation de ce périple de 18 jours, confiantes parce qu’habitées par le sentiment d’être invitées et attendues sur ce chemin inconnu.
D’une longueur de 215 km, le sentier débute à Rivière-Éternité pour se terminer à l’Ermitage Saint-Antoine de Lac-Bouchette. Il est bien balisé et très diversifié par ses paysages et ses routes. Nous marchons sur des voies principales achalandées, des routes secondaires vallonnées, des pistes cyclables, des chemins de terre accidentés ou des sentiers de véhicules tout terrain. Nous traversons des forêts denses, des territoires de chasse, des champs cultivés, des villes et des villages.
Nous longeons d’abord le fjord du Saguenay déployant ses panoramas vertigineux. La beauté de la nature élève l’âme et lui donne soif d’un insondable absolu. Nous rejoignons ensuite le lac St-Jean, tantôt calme, tantôt agité. Nous enchaînons avec la rivière Metabetchouan plus discrète, mais rassurante par son murmure qui nous chuchote que remonter une rivière, c’est aller vers la source. Des milliers d’oies blanches nous accompagnent et en regardant leur vol, notre esprit prend ses ailes.
On réalise que le passage est celui qui sait reconnaître le rythme du cœur. Profiter de l’instant plutôt que mettre l’emphase sur notre lieu de chute permet de mieux sentir ce qui palpite en soi et se révèle essentiel .Reconnaître nos limites et y consentir ouvre sur un chemin de vérité.
L’alliance corps – âme - esprit doit aller de pair pour avancer plus loin et en faire un acte signifiant. L’adaptation de nos corps en si peu de temps est objet d’étonnement et de gratitude. Le poids de nos sacs parfois s’évanouit! Nous misions sur nos propres forces… nous sommes portées au-delà de toutes nos espérances.
Le pas-à-pas repose l’esprit. Les plus grandes côtes se montent en se concentrant sur le pas à faire, en accueillant les pauses comme des oasis.
Nous allions marcher vers sa maison… il nous a invitées à réorganiser la nôtre. Le temple en soi est celui à rejoindre. Nous l’attendions au bout du chemin… il se trouve à nos côtés. L' « aller vers » se transforme en « allez avec ».
À mesure que nous avançons, le sentier nous révèle notre destination qui se trouve à la croisée de trois chemins : le chemin vers soi, le chemin vers l’autre, le chemin vers Dieu. Ce lieu-dit émerge d’une Parole fécondée dans le silence puis partagée. Voyager à deux permet de bénéficier des lumières de l’une et de l’autre et élargit l’horizon.
Demeurer ouvertes à la surprise de l’ici et maintenant sans chercher la voie qui semble la plus facile, nous amène à constater que les détours sont source de découvertes. Ce qui peut sembler épreuve devient souvent source de joie.
C’est dans l’écoute attentive que se dévoilent les plus grands trésors qui foisonnent dans la nature et dans l’autre qui ne demande qu’à être rencontré pour ce qu’il est.
Nous pensions faire un pèlerinage de 18 jours, mais réalisons bien que le point d’arrivée n’est en fait qu’une invitation à poursuivre…
Toutes deux retraitées, Ann Montreuil, médecin de famille et Diane Poulin, intervenante en soins spirituels, ont accompagné pendant plusieurs années des personnes en fin de vie et leurs familles, notamment à l’unité des soins palliatifs de l’Hôpital St-François d’Assise du CHU de Québec – Université Laval. Au fil des ans se sont tissés des liens d’amitié qui les ont amenées, à un moment charnière de leurs parcours de vie, à prendre sac à dos et bâtons dans une démarche de réactualisation: prendre la mesure des chemins parcourus et de ses enjeux pour mieux repartir vers les lendemains.