Entretien avec Kim Thúy



Dire oui à la vie

Propos recueillis par Claudette Lambert

Kim Thúy a fui le Vietnam avec sa famille lors d’un périlleux voyage en mer dans la cale infecte d’un bateau, avant de se retrouver dans un camp de réfugiés. Quelques mois plus tard, la famille est accueillie au Québec, une nouvelle vie commence. Au fil des années, Kim Thúy deviendra avocate, traductrice, restauratrice, interprète, couturière, chroniqueuse culinaire... En 2009, son premier roman Ru traduit dans plus de 25 langues devient un best-seller au Québec et en France. Mère d’un enfant autiste, elle aborde ici les questions essentielles que la vie pose à tout être humain.

 
Claudette Lambert : Kim Thúy, quel est le fil conducteur qui relie les multiples chemins de votre vie?
Kim Thúy : Les chances se sont présentées à moi et jai dit oui à tout. Voilà! Je devais avoir 14 ou 15 ans quand j’ai eu mon premier emploi dans une clinique dentaire. Quelqu’un m’a dit qu’ils cherchaient une réceptionniste. Je ne savais même pas ce que ça voulait dire être réceptionniste. J’ai dit oui, mais je devais faire un long trajet d’une heure et quarante-cinq en bus pour aller travailler pendant deux heures, à 3,15 $ de l’heure. Comme il n’y avait plus de bus rapide pour le retour, je faisais mes devoirs en attendant mon père qui travaillait jusqu’à 23 heures, et nous revenions ensuite à la maison. Pour mes parents, ce n’était pas le salaire qui était important, mais l’apprentissage.
 
Dire oui c’est important, car ça nous permet d’avancer dans le sens que la vie nous indique, même si c’est complètement contraire à ce que nous espérions au départ. On s’adapte et on fait le mieux qu’on peut avec ce qui nous est offert, sans essayer d’aller contre la vague. On dit souvent que parmi les boat-people, ce sont les bébés et ceux qui ne savent pas nager qui sont sauvés, car ils ne résistent pas à ce qui les emporte. La vie est toujours trop forte pour nous. Quand il y a une tempête et du vent, au lieu de résister, d’ériger des murs que la tempête va abattre de toute façon, il vaut mieux construire un moulin pour utiliser la force du vent. Dans le karaté, si vous résistez à la chute, vous risquez de vous blesser. Il faut suivre le mouvement, se faire mou le plus possible. C’est peut-être ma qualité première. Je n’ai aucune force de résistance, j’ai peur de tout, mais en même temps, je n’ai aucune attente. La vie est remplie de surprises, et même si à première vue on a l’impression que c’est une mauvaise surprise, très souvent elle en cache une bonne. Pour la découvrir et l’apprécier, il faut juste laisser aller.
 
De quelle manière aime-t-on un pays natal qui nous a tout donné, mais tout repris, et dans lequel on a failli mourir?
K.T. : Le Vietnam où j’ai passé mes dix premières années m’a donné la fondation même de ma culture, de ma personne. Comment en vouloir à ce pays! Nous étions des pions sur l’échiquier international. On peut reprocher bien des choses aux dirigeants qui étaient en place, mais nous étions pris entre deux lignes de tir, victimes innocentes d’un moment historique. Le fait d’avoir réussi la traversée m’a donné la chance de vivre dans un autre pays, de découvrir une autre culture. Je suis très reconnaissante envers le Québec!
 
Vous avez frôlé la mort de près…
K.T. : Pour nous, mourir sur un champ de bataille ou mourir en mer ne changeait pas grand-chose, nous étions déjà morts quand nous avons quitté le Vietnam. Même à dix ans, j’étais consciente de ça. Je ne regardais pas le futur, nous ne pensions jamais pouvoir retourner un jour au pays. En vietnamien, il n’y a pas de temps de verbe, tout est à l’infinitif et je crois que ça influence la façon dont nous voyons la vie. Dans les moments de survie extrême, vous navez pas le loisir davoir peur. Vous êtes juste là, en espérant que la prochaine seconde va exister, mais vous ne savez pas, vous vivez à la seconde près. Même quand nous sommes arrivés sur la terre ferme après quatre jours en mer, nous ne savions pas où nous étions. Est-ce quils allaient nous transférer ailleurs? Nous remettre en mer? Nous laisser mourir?
 
On se jetait dans le vide. Si on pouvait se relever, c’était tant mieux, sinon, tant pis. Impossible d’avoir un scénario, nous ne savions pas où nous allions et qui nous étions. D’une certaine façon, nous étions protégés par l’ignorance.
 
Vous arrivez au Québec sans parler français. À la maison vous pouviez vous exprimer, mais en société, c’était le silence. Comment avez-vous vécu cette période où la communication était difficile?
K.T. : Déjà le silence s’était installé au Vietnam, le pays au complet était dans le silence. Nous n’avions plus le droit de parler pour ne pas rapporter d’information à d’autres, car nous étions tous obligés de dénoncer des voisins, des amis, des proches. Ça a été une descente continue vers le silence même avant d’arriver ici. Quand vous êtes des réfugiés, vous êtes des apatrides, donc la langue que vous parlez n’a plus aucune importance. En fait, notre langue illustrait l’état misérable dans lequel nous étions, elle ne pouvait pas nous donner une fierté. Un réfugié, c’est quelqu’un qui n’a pas de présent, qui a été éjecté du passé et qui n’a pas été projeté dans l’avenir. Il y a un vide et ce vide-là nous préparait déjà à tout recommencer. C’est vrai qu’en arrivant ici, nous n’avions pas la langue pour nous définir, mais l’accueil et la gentillesse des gens nous ont donné l’impression qu’ils nous comprenaient. C’est la beauté des humains, les sentiments passent aussi par le non-dit. Mais ça, je l’apprends également de mon fils Valmont qui est autiste et qui n’a pas plus de dix mots pour s’exprimer. Pourtant, je peux lire ses désirs et son humeur à 95 % du temps. J’adore les mots, j’examine chacun d’eux comme un diamant parce qu’il révèle les capacités intellectuelles, mais paradoxalement, je vis avec un enfant qui ne possède qu’une dizaine de mots... Nous avons tellement besoin du langage et en même temps, quand le sentiment de générosité est pur, quand nous revenons à l’essence même de ce que nous sommes en tant qu’humains, nous n’avons pas besoin de parler. Quand nous sommes arrivés ici, les gens nous ont donné cette pureté-là. Ils nous ont reçus par empathie, par générosité, et cesentiment-là, on ne peut pas mal le comprendre. Il n’y a pas de confusion possible.
 
Votre écriture est très poétique, avec une alternance de mots et de silence. Vos phrases ressemblent à des petites gouttes d’eau qui font surgir l’émotion et la réflexion. C’est votre âme vietnamienne qui s’exprime ainsi?
K.T. : Je ne maîtrise pas assez bien la langue pour pouvoir exprimer tout ce que je veux dire, et de plus, j’ai conservé cette culture de réserve où l’on exige de notre interlocuteur qu’il lise entre les lignes. Je crois que le silence parle beaucoup plus fort. Chaque mot est comme une pilule enrobée de sucre. Vous ne percevez pas le goût amer, mais l’effet se propage à l’intérieur du corps; vous ne sentez pas du tout les réactions chimiques et pourtant le corps n’a plus de douleur, il se redresse. J’aime croire qu’avec mes mots, je suis cette pilule qui fait du bien aux lecteurs.
 
Vous êtes devenue une personnalité-vedette, vous êtes sur toutes les tribunes, radio, télé, salon du livre… Comment vivez-vous ce vedettariat?
K.T. : Je ne me vois pas comme une vedette. Je ne dis jamais non aux invitations, mais pas seulement pour les journaux ou la télé, je dis oui aussi aux écoles, aux centres d’alphabétisation, de formation pour adultes, de soutien aux décrocheurs. Ces invitations sont pour moi très importantes et je dois les utiliser à des fins utiles. On me donne une tribune en tant qu’immigrante, alors j’ai le devoir de parler en leur nom, c’est ma responsabilité. Ce matin, c’était difficile pour moi de venir vous rencontrer, j’ai dû me parler sérieusement : « On te donne une tribune pour parler au nom de ceux qui sont sans voix et tu craches sur l’occasion? Non! Je n’ai pas le droit, c’est une responsabilité! » Une fois, j’étais invitée à parler aux bénévoles d’une commission scolaire, et le même soir, on m’a invitée à Tout le monde en parle pour faire la promotion de mon livre. Le choix logique aurait été d’aller à la télé, mais j’ai choisi d’aller à la soirée des bénévoles, car j’estime que leur travail est très important.
 
Nous recevons actuellement beaucoup de réfugiés. Comment voyez-vous l’attitude des Québécois devant cette vague de gens qui nous arrive?
K.T. : Ils réagissent très normalement. Chaque fois que j’entends dire que nous sommes une société fermée, que les Québécois sont racistes, ça me fait mal. Je regardais l’autre jour une photo de notre famille à notre arrivée et j’ai dit à mon père que si j’avais été un délégué canadien, je ne nous aurais certainement pas choisis parce qu’il y avait de la honte dans notre regard. Les réfugiés sont vidés de leur vitalité; on ne peut pas détecter leur potentiel dans leur visage. Et pourtant, je sais ce qui nous est arrivé. Les personnes de cette famille que nous étions alors ont aujourd’hui une fortune plus que confortable. Mais à ce moment-là, c’était impossible à voir, personne n’aurait pu y croire. Les Canadiens ont connu une paix totale, ils n’ont pas vu le sang couler depuis 200 ans, ils n’ont pas connu l’instabilité, la guerre, la violence. Et là, soudainement, vous exigez qu’ils comprennent ceux qui ont vécu l’horreur? C’est impossible, il faut leur donner le temps. Les gens d’ici n’ont pas de références, ils ont des craintes, ils ne connaissent pas ce regard, ce vide.
 
Tout ce qui est étranger génère de la peur.
K.T. : C’est normal, quand on ne connaît pas, on a peur, on se protège, c’est la survie des humains. Ce discours-là, on ne l’entend jamais. Les délégués canadiens misent sur de l’inconnu, ils se basent sur des papiers, ils rencontrent les réfugiés pendant cinq minutes et ensuite ils disent oui ou non. C’est un pari, un billet de loterie. C’est normal qu’on soit craintif. Moi, si j’étais un délégué, je choisirais les réfugiés parce que s’ils ont survécu à la mer et marché sur des kilomètres, ils ont de la volonté. Ils sont plus forts que la moyenne.
 
La vie vous a donné un fils différent, un fils autiste. Cet enfant a certainement été un agent de changement pour toute la famille. Est-ce que vous avez dit oui à cela tout de suite?
K.T. : C’est notre fils, nous n’avions pas le choix. Et j’ai tellement appris de lui! Vous savez, une fois j’ai dit à ma mère : « J’accepte la condition de Valmont. » Et ma mère m’a répondu : « Accepter quoi? C’est ton enfant! Qu’il soit fille ou garçon, autiste ou pas autiste, c’est inconditionnel. On le prend tel qu’il arrive. » Et elle avait raison!

Mais c’est exigeant tout de même!
K.T. : La vie est exigeante! Pour devenir meilleur, pour se fortifier, un athlète s’impose des activités. Mais pour des gens comme moi qui ne sont pas des athlètes, nous avons parfois besoin que la vie nous impose des défis pour devenir plus forts. C’est grâce à cette épreuve, ou plutôt à cet événement-là que je suis devenue plus forte. Sinon, je serais tellement ennuyeuse comme personne! Sinon, je suis beige, je suis yaourt nature…
 
Vous n’êtes pas un peu sévère avec vous-même? Et votre aîné, son grand frère, l’a-t-il vécu de la même façon que vous?
K.T. : Obligatoirement, c’est notre famille! Son petit frère est né quand il avait deux ans. Il n’a pas connu autre chose que ce frère, il n’a aucun point de comparaison. Il m’a déjà dit qu’il aurait aimé avoir un frère avec qui il aurait pu échanger. Mais c’est ça la situation. En vietnamien, les verbes sont à l’infinitif, il n’y a pas de subjonctif et pas de conditionnel, alors il n’y a pas d’autre scénario possible.
 
Comment avez-vous été mise en contact avec les auteures du livre L’autisme expliqué aux non-autistes?
K.T. : L’animatrice Marie-Claude Barrette réalisait une série d’émissions intitulée Simplement vedette. Elle est venue à la maison pour le tournage et elle m’a demandé de voir les enfants pour démontrer la conciliation travail famille. Je ne voulais pas exposer mes enfants, mais j’ai tout de même accepté qu’on les voie quelques minutes pour montrer que c’est parfois difficile de jongler avec toutes les réalités de la vie. Valmont devait avoir cinq ou six ans, il a été à l’écran pendant 30 secondes. L’une des auteures du livre, Brigitte Harrisson, travailleuse sociale, a vu l’émission. Elle a vite réalisé que je ne comprenais pas mon fils. À quelque temps de là, l’éducatrice de Valmont a participé à une formation et à la pause, elle est allée poser une question spécifique sans parler de Valmont. Brigitte a reconnu, je ne sais pas comment, qu’il s’agissait de mon fils et elle lui a dit : « Dis à sa mère de m’écrire, je crois que je peux l’aider, car elle n’entend pas son fils. » Je lui ai écrit, elle est venue à la maison et il y a eu un coup de foudre entre nous. Depuis que Brigitte Harrisson et Lise St-Charles, spécialiste du TSA (trouble du spectre autistique), suivent Valmont, sa progression est remarquable.
 
Comment pourriez-vous traduire en quelques mots le travail de ces deux spécialistes du trouble du spectre autistique?
K.T. : Actuellement, quand on échange avec les autistes, c’est comme si on essayait de parler plus fort à l’oreille d’un sourd. Ce qui est inutile puisqu’il n’entend pas. Il vaut mieux utiliser le langage des signes pour communiquer avec lui. Et c’est précisément ce que font ces deux spécialistes. Elles ont développé un langage des signes qui correspond au cerveau d’un autiste. Et là soudainement, tout le monde se comprend. Je pourrais vous parler pendant des heures des particularités du cerveau des autistes. Vous avez par exemple un lecteur de DVD. Vous insérez le disque et il n’y a pas d’image. Vous pensez que la télé ou le lecteur est défectueux. En fait, il manque la connexion entre les deux. Cette comparaison nous permet de comprendre le cerveau d’un autiste. Ce qui leur manque à eux c’est le fil de connexion entre les deux machines, entre le cerveau et les diverses parties du corps. Ces deux spécialistes nous apprennent à aider notre enfant autiste à créer ce fil. Et donc pour Valmont, depuis qu’on a créé ce lien, la machine fonctionne.
 
Il semble y avoir des particularités tellement différentes d’un autiste à l’autre…
K.T. : Oui, il y a des autistes à plusieurs niveaux, mais il y a un dénominateur commun entre eux. Chose certaine, ils communiquent mieux avec le Langage Saccade Conceptuel composé d’outils et de techniques d’application. Par exemple, ils ne sont pas capables de s’identifier avec toutes les parties du corps. Valmont pourrait sortir à -25 oC en t-shirt. Son corps a froid, mais il ne le sait pas, car il n’y a pas de connexion entre son bras et son cerveau. Il faut connecter son corps à sa tête. Comment faire? On le met devant le miroir et à côté, on place une image d’un bonhomme allumette. On pose une petite pastille jaune sur son bras pour que ses yeux soient bien au focus sur ce membre, on dit « bras » en montrant dans le miroir et on fait une ligne de son bras jusquà sa bouche en répétant le mot bras et ainsi de suite pour toutes les parties du corps. Aujourdhui quand il sort, Valmont sait quil fait froid, il revient shabiller, car la connexion est faite. Auparavant, il ressentait un inconfort, mais il ne savait pas d’où ça venait. Il avait mal, mais ne savait pas pourquoi. Maintenant oui, il sait.
 
Il a 16 ans, est-ce qu’il pourra être autonome un jour?
K.T. : Non, je ne crois pas.
 
Ça vous inquiète?
K.T. : Oui, mais on le prépare. J’ai toujours tissé un filet autour de Valmont avec des personnes qui l’aiment et qui peuvent l’aider. Ainsi je prépare ma fin et sa survie. Et ça, depuis toujours.
Est-ce que votre fils est heureux? Est-ce qu’il souffre de sa condition?
 
K.T. : Non. Évidement le but des parents, c’est d’avoir des enfants qui sont bien. Peu importe leur choix pourvu qu’ils soient heureux. Il y a des choses qui nous agacent, mais qui ne touchent pas le cœur de notre bonheur. Comme dans la mer, il y a des vagues, mais le courant de fond est toujours le même. Et c’est ce bonheur-là que nous vivons avec Valmont depuis que je sais comment m’y prendre. Même avec un enfant qui n’a pas une condition difficile, on a mal parfois. Involontairement, on peut mal aimer un enfant. J’ai appris à bien aimer Valmont. Si j’avais un oiseau, je ne penserais pas qu’il aimerait aller dans la douche; tout ce qu’il veut, c’est voler. Chaque enfant a ses particularités. Avec Valmont, on ne peut pas se fier seulement à notre intuition. Son cerveau n’est pas le même que le nôtre; on doit s’appuyer sur des connaissances qui dépassent nos compétences. J’ai vu une maman qui avait pris une journée de congé pour amener son fils autiste à une fête, car il y avait beaucoup d’activités pour les jeunes. L’enfant était tellement désemparé par tout ce bruit qui lui demandait trop d’adaptation! Il était replié, prostré. Elle croyait faire plaisir à son fils, mais c’était de la torture.
 
Quel est le sens de la vie pour vous, qu’est-ce qui vous donne envie de vous lever le matin?
K.T. : Je ne l’ai pas trouvé! Je ne sais pas c’est quoi le sens de la vie, je ne sais pas pourquoi je suis là. Je ne sais pas! C’est quoi le but de tout ça? Si je me lève le matin, c’est parce que j’ai des responsabilités. Beaucoup de réfugiés n’ont pas eu la chance que j’ai eue, je le sais! Il y a plein de bateaux qui ont coulé avant d’arriver. Pourquoi moi j’ai eu la chance de survivre? Je n’ai pas le droit de gaspiller cette vie-là. Je vis pour tous ceux qui n’ont pas eu la chance de vivre.
 
Au Vietnam, comment s’exprime la quête spirituelle?
K.T. : La population est bouddhiste à 80 % et même pour ceux qui ne le sont pas, le tissu culturel est bouddhiste. Un peu comme ici, tout le monde n’est pas pratiquant, mais le catholicisme est sous-jacent. En fait, je ne sais pas ce que ça veut dire la spiritualité, je n’ai pas eu la chance de réfléchir à cette question. Je viens d’un pays qui a connu beaucoup de drames; il fallait juste faire le mieux qu’on peut avec ce qu’on a reçu de la vie. On n’a pas le droit de gaspiller ça, je le dis tout le temps à mon fils aîné : « Tu vois, avec les deux mêmes parents, toi, tu es né avec tout ce qu’il faut pour être au sommet de la vie, ton frère, non. Même si je veux donner plus à Valmont, il ne peut pas recevoir davantage. Toi, je te donne des livres, je t’emmène en voyage, au musée. Toi, tu peux aller voir des amis, faire la fête. Lui, il vit au dixième de ce que la vie lui offre. » Tout est une question de responsabilité, oui.
 
Devoirs, responsabilités et bonheur vont-ils ensemble? 
K.T. : Est-ce que c’est important d’être heureux? Est-ce que c’est ça la quête? Pour moi, ce qui me tient tous les jours, c’est d’apprendre. Je ne comprends pas pourquoi on insiste tant sur le bonheur. C’est vraiment ça le but de la vie? Être heureux? Non, je ne pense pas. Je réfléchis tout haut avec vous en ce moment. Ce que j’essaie de transmettre à mon fils, c’est de voir tout ce que la vie lui offre. La neige qui fait courber les branches de sapin, c’est tellement beau! S’émerveiller devant toutes les beautés que la vie nous offre, je pense que c’est ça notre devoir sur terre. Apprécier ce qui est là et le vivre jusqu’au bout, du mieux qu’on peut. Ce n’est pas une quête pour recevoir quelque chose, c’est un devoir de vivre. C’est tellement exigeant, vivre! Qui veut ça? Quand vous mourez, les Vietnamiens disent : « Ah, elle a terminé de payer ses dettes à la vie. » On pense toujours qu’on est ici pour recevoir…
 
Donc la mort ne vous angoisse pas?
K.T. : Je n’ai pas peur du tout, ce peut être demain ou maintenant. J’ai terminé depuis longtemps. J’ai reçu trop de belles choses, mon cœur ne peut pas tenir plus, il y a une limite. Vous connaissez le syndrome de Stendhal, cet état dans lequel un trop-plein de beauté peut vous couper le souffle? Je pense que je vais mourir comme ça, du choc de trop de belles choses. <


Photos : Gracieuseté de Alain Labonté
 




4 décembre 2023

Je viens de voir le film de kim . Ça lui a pris du courage et aujourd’hui elle est admirée d’être ce qu’elle est : moi je l’aime dans tout car elle est vraie. Bravo belle âme!

Par Laurence truchon
8 avril 2022

J’aime toujours lire Kim. Tout est simple et beau dans ses écritures l. Merci

Par Gaetane Tremblay
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Dernière révision du contenu : le 29 juillet 2021

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