S’ajuster à la finitude






Par José Pereira, intervenant en soins spirituels, 1er août 2015
Centre intégré de santé et de services sociaux de Chaudière-Appalaches – Secteur Thetford

L’intervenant en soins spirituels en milieu hospitalier se heurte souvent à des questions éthiques en fin de vie. Les progrès médicaux et l’extension de la prise en charge médicale de la vie humaine ont conduit au fil du temps à une certaine surabondance de l’offre médicale marquée par la performance technique et la marchandisation de la santé. La tentation est souvent de repousser l’échéance de la mort le plus loin possible, dans un certain déni de la finitude humaine et de la fragilité de la vie. Comment alors s’assurer que le soin prodigué respecte la dignité de la personne que l’on soigne? Comment éviter qu’il ne devienne source de violence? Comment décider devant l’éventail des options possibles, mais pas toujours souhaitables? Il m’arrive souvent d’accompagner ces personnes hospitalisées et leurs familles qui affrontent ces questions difficiles. La dimension spirituelle nous rappelle l’importance d’élargir notre regard sur l’humain en dépassant la seule prise en compte de la pathologie.

Je me souviens d’être intervenu dans une situation où le patient et sa famille se trouvaient dans une impasse. Alors que son état de santé devenait de plus en plus précaire et qu’il se trouvait en phase préterminale, le patient souhaitait continuer à recevoir des soins curatifs. Dès nos premières rencontres, la construction d’une relation aboutissant à une confiance mutuelle a permis de discerner progressivement les enjeux reliés aux souffrances sous-jacentes à cette résistance à la réalité que le patient vivait et d’en tenir compte. Après avoir veillé, avec l’aide de l’ensemble du corps médical et soignant, à apporter un soulagement au corps souffrant, nous avons entrepris un lent travail d’exploration des sources de la souffrance attachée à l’idée de mourir. En fin de vie, l’accompagnement spirituel doit en effet permettre de soutenir la personne dans le difficile apprentissage du renoncement à ses désirs et à ses rêves d’immortalité et du consentement à lâcher prise. Au fil des rencontres, l’accompagnement est devenu porteur d’un discernement éthique et spirituel amenant au consentement à la finitude. Le temps est alors devenu propice pour clarifier la trajectoire de soin et ajuster l’offre de soin en fonction de la réalité, et non plus de ce qui est techniquement réalisable ou possible. Dès lors, la fin de vie ne devient pas pour autant un temps d’attente pesant où il n’y aurait plus rien à faire. Elle peut être un temps de vie où il est encore possible de soigner nos échecs et nos relations en délivrant notre cœur de ce qui nous a blessés ou continue à nous faire violence.

Avec le patient et sa famille, nous avons mis en œuvre une dynamique spirituelle leur permettant de vivre, au cœur de ce temps difficile, une expérience salutaire rendue possible par un travail de mémoire et de relecture de vie. Dans un monde hautement technicisé et rationnel, nos rencontres sont ainsi devenues un lieu privilégié pour vivre notre humanité commune en nous interpellant tous – patients et proches, mais aussi intervenants – à assumer une responsabilité partagée devant le mystère de la souffrance et de la finitude.
 






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