
Par Marine El Hajj, membre du comité de rédaction, 1er avril 2020
Quand je pense à la réalité des personnes « vivant avec l’obésité », c’est le personnage d’Obélix qui me vient spontanément à l’esprit. Obélix est le célèbre personnage de la bande dessinée Astérix, du scénariste René Goscinny et du dessinateur Albert Uderzo. Obélix est le meilleur ami d’Astérix et il est aussi aventureux que lui. À la différence de son ami, petit de taille, Obélix est très corpulent. Dans la bande dessinée, il apparaît comme s’étant réconcilié avec son apparence et avec son corps. À ceux qui le critiquent ou qui jugent son apparence, Obélix rétorque, avec assurance et confiance : « je ne suis pas gros, je suis juste un peu enveloppé ». Voilà quelqu’un qui aime ses rondeurs; il trouve qu’il n’est « pas maigrichon, voilà tout ». Il se juge selon ses propres critères. Il est bien avec lui-même. Il est heureux et fait preuve d’humour. Il est apprécié par ses amis, mais aussi par les lecteurs de la bande dessinée! Non?
Obélix porte un regard positif sur lui-même et sur son corps. Les remarques désobligeantes qu’on lui adresse le laissent de marbre ou le scandalisent. Il ne voit pas nécessairement ce que les autres voient et refuse spontanément de se soumettre au regard des autres. Mais il lui est difficile de se mettre totalement à l’abri des jugements. Dans Le combat des chefs, le septième album de la série Astérix, le druide guérisseur considère que la corpulence d’Obélix est anormale et il lui diagnostique une maladie. C’est un diagnostic qui va s’avérer erroné, mais qui a pour effet de provoquer la dépression d’Obélix. Le malentendu sera finalement dissipé et Obélix réussira à se reprendre. Son moral sera rétabli. Son bien-être intérieur reprendra le dessus et il retrouvera la santé… et l’appétit!
L’obésité est un phénomène complexe et multidimensionnel. Ce numéro de la revue SpiritualitéSanté se penche sur cette réalité et tente d’en éclairer quelques aspects, sans prétendre épuiser la question. Le lecteur trouvera dans les pages qui suivent des points de vue et des analyses qui pourraient peut-être satisfaire sa soif et sa faim… de savoir! Les titres des articles témoignent de la richesse et de la variété des angles d’approche du phénomène de l’obésité : « Démystifier l’obésité pour en finir avec les préjugés »; « Marketing alimentaire | quand on exploite la crédulité des enfants »; « Repenser l’obésité | l’individu influencé par la mondialisation; la réalité mexicaine comme illustration »; « Corps sain… vue d’Afrique | Corps malade… vue d’Amérique »; « Voir la personne derrière la pathologie »; « Nourritures et religions ou lorsque la diète devient religieuse »; « Modèles d’alimentation à la mode en 2020 ».
Les articles publiés dans ce numéro adoptent des perspectives différentes qui en viennent à se compléter. Il en ressort que la personne corpulente n’est pas nécessairement malade. Elle n’est pas coupable de quoi que ce soit. Le phénomène de l’obésité et, plus largement, les différents rapports à l’alimentation sont des réalités complexes, qui demandent d’être comprises pour elles-mêmes, afin de prévenir les jugements de valeur hâtifs et non fondés.
J’ajoute que la santé ne se limite pas au « biologique ». Dans un petit pays sur la Méditerranée, les Libanais disent sahteyn pour souhaiter le bon appétit. Sahteyn signifie littéralement : « deux santés ». À travers la nourriture, les Libanais se souhaitent une double santé : celle du corps, évidemment, mais aussi une santé plus globale, un bien-être. On ne se nourrit pas seulement pour la santé physique. Comme on ne suit pas non plus un régime uniquement pour l’apparence physique. La santé intérieure, dont la santé spirituelle fait partie, se nourrit de bons aliments également.
Le seul critère du poids est insuffisant pour évaluer la santé publique. Une société en santé accueille en elle « la diversité corporelle » et assume sa responsabilité à l’égard de ses citoyens corpulents, ayant à l’esprit que la santé a de multiples facettes. D’ailleurs, comme le dirait notre cher Obélix : « Quand l’appétit va, tout va ».