Dans les replis intérieurs






Nicolas Vonarx
, membre du comité de rédaction, 1er avril 2015

Un jour, j’entendais d’une jeune écrivaine encore méconnue, que la création dans son domaine requérait et provenait de grandes bousculades qui devaient faire vibrer des cordes et permettre alors de coucher sur papier des musiques en format texte. La questionnant à propos d’un texte plein de sagesse et d’une intensité bouleversante, elle disait l'avoir mis au monde à la suite d’un dialogue avec son âme. Elle soulignait avoir interpellé cette dernière en lui abandonnant sa plume et de l’encre, et en l’exhortant à mettre les moteurs à fond, entendu qu’elle avait quelque chose d’important à exprimer et partager. Elle lui rappelait que le moment était cette fois très sérieux et que des bagatelles n’auraient droit de cité dans cette entreprise. Dans la foulée de sa demande, leurs regards se seraient croisés solidement. Le sien fût transpercé, l’âme lisant dès lors les partitions qui portaient ses battements de cœur, et constatant de fait la gravité de l’interpellation. Dans la foulée, elle lui imposait deux conditions. La première visait à inonder l’atmosphère de musique classique afin qu’elle s’en abreuve et s’en gave. L’auteure répondit à cette exigence en faisant danser dans l’air des valses, des sérénades et des sonates aux rythmes d’adagio ou de sarabande. Schubert, Bach, Chopin et Sati traversaient la pièce et ce qui l’habitait, chevauchant pianos, luths anciens et violoncelles. On aurait dit, semblait-il, qu’il fallait se retrouver en plein bal de revenants, dans la vie et dans la mort, en dehors de ces frontières établies.

La seconde condition consistait à se présenter devant le miroir et à bien s’y regarder. « Regarde partout. Regarde derrière, dans l’arrière-fond » lui prescrivait l’âme. Mais surtout, « vois ce qui n’apparaît plus dans la glace. Et ce qui devrait apparaître ». Tirée des profondeurs de cet être où elle nichait maintenant, après avoir certainement séjourné en d’autres lieux et d’autres temps, l’âme ordonna à celle qui avait réclamé son assistance de ne plus s’abandonner! Le pacte devait donc être scellé, entendu que l’auteur allait dorénavant marcher sur ce chemin pour y voir. Et dans le flux des pas, émergeaient alors de grandes inspirations, qui guidaient la conscience et la plume sur le papier. En d’autres mots, l’existence pouvait suivre son cours, avec une tonalité cette fois différente, eu égard à cette révélation attendue.

Si je reprends cette histoire émouvante pour introduire le thème de ce numéro de Spiritualitésanté, c’est qu’elle illustre bien comment la créativité se nourrit d’une ambiance et d’appels à la vie. De lointaines et mystérieuses contrées viennent des énergies ou des sources prêtes à servir. C’est le cas pour orienter une œuvre, pour sortir d’impasses et de situations sclérosantes, mais aussi le cas quand il faut attribuer du sens à des souffrances, pour les dépasser, quand il faut théoriser sur les infortunes, donner des réponses pratiques susceptibles de faire guérir, ou trouver des réconforts et des sentiments générateurs de bien-être. En traversant les textes de ce numéro, les lecteurs pourront le constater. La créativité, sous des formes et contenus divers, tisse des liens avec la santé. 

Qu’il soit question de fondre la créativité dans l’art de bien vivre en vue de s’affranchir, ne plus étouffer et sortir de l’oppression; de considérer le bon du « complément » d’art et de la sensibilité dans les soins; de penser l’art au service du sens et d’une mobilisation de la spiritualité; de nourrir les moments de fin de vie de plaisirs à travers des activités artistiques; de profiter des forces créatrices pour renverser la destinée de personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale; nous sommes forcés, dans ce numéro, de constater comment la créativité est salutaire dans le projet des Hommes en quête de santé et en phase avec ce dont ils sont pétris.




Laisser un commentaire



 Security code

Dernière révision du contenu : le 11 janvier 2023

Signaler une erreur ou émettre un commentaire